On vous incitera à courir pour soutenir le dépistage du cancer du sein. On vous encouragera à faire un don à une association de votre choix. On vous proposera d’acheter des produits cosmétiques dont une partie des bénéfices sera redistribuée en faveur de la recherche. On vous invitera à écouter le témoignage de femmes ayant vécu avec un cancer du sein…

Si, nous, femmes des mouvements pour la santé des femmes, comprenons le besoin de rechercher des fonds pour la lutte contre le cancer du sein et la nécessité d’informer sur cette maladie, nous ne pouvons accepter que ces actions s’accompagnent de la marchandisation de la santé des femmes et de la désinformation sur le dépistage. Des campagnes inacceptables De multiples campagnes pour le dépistage du cancer du sein ont utilisé ou utilisent des moyens dégradants pour les femmes. Citons en vrac et de façon non exhaustive : des seins animés, la Schtroumpfette, des images de femmes découvertes, jeunes, belles et sexy, des couleurs genrées (le cancer du sein ne pouvait être que rose !), des blagues sexistes et même la vulgarité. En France, en 2016, pour inciter les femmes à se faire dépister, une association diffusait sur les réseaux sociaux une affiche indiquant « aujourd’hui, un homme m’a touché les seins…ce n’était pas mon mec, mais je me suis laissée faire ». Infantilisation, sexisme et information partielle : voici des campagnes de dépistage du cancer du sein destinées aux femmes, ces grandes courges, ces femmes-objets qui ne comprennent rien aux chiffres et aux explications rationnelles et qu’il est donc inutile de mieux informer !

En ne parlant pas des progrès dans le domaine thérapeutique, en n’ouvrant pas le débat sur le dépistage du cancer du sein, Octobre rose participe à la mésinformation de la population. De ces campagnes ressort trop souvent, pour les femmes, une injonction à se faire dépister et une culpabilisation pour celles qui ne le feraient pas. Au cours d’émissions de télé, de radio ou sur les réseaux sociaux, l’injonction de se faire dépister sera répétée. Ce discours dominant empêche que d’autres (associations, fondations, hôpitaux, chercheurs…) qui s’informent et/ou travaillent sur ce sujet soient entendus. Combien, à qui et pourquoi ? Le sein symbolise la femme, l’amour, la maternité, la sexualité… Poumons, intestins, prostates n’invitent pas au même imaginaire ! Pas étonnant que le marketing social ait choisi le cancer du sein plutôt que tout autre cancer. Tant mieux pour le financement de la recherche et des associations qui luttent contre le cancer du sein mais… Dès le départ, aux USA, Octobre rose s’est associé à de grandes entreprises cosmétiques et des laboratoires pharmaceutiques pour mener ses actions.

Octobre rose et Ruban rose ont été rapidement suspectés de « pinkwashing », c’est-à-dire, d’utiliser une « bonne cause », ici la santé des femmes, pour vendre et faire du profit. L’Europe n’est pas épargnée. Actuellement, une campagne nationale belge de sensibilisation soutenue par Think-Pink est sponsorisée par de nombreuses entreprises issues de différents secteurs, dont les plus surprenants : l’automobile, l’agroalimentaire ou encore le textile. Quels sont les intérêts financiers et commerciaux en jeu dans ce type de collaborations ? Quelle part des sommes récoltées via le sponsoring et les dons est redistribuée à la recherche ? De quelle manière ces associations et entreprises orientent-elles l’utilisation des fonds collectés ? Comment comprendre que ces mêmes entreprises fabriquent et vendent des produits contenant des perturbateurs endocriniens potentiellement impliqués dans l’apparition des cancers ? Une association canadienne suggère, pour plus de clarté, de poser aux entreprises et associations qui participent à Octobre rose une seule question : « Combien, à qui et pourquoi ? ».

Si, dans une économie libérale, le marketing social est nécessaire voire indispensable au financement d’associations, il doit se faire en toute transparence. Redonner la parole aux femmes ! Vous l’aurez compris. Octobre rose est un fourre-tout, d’organismes, d’initiatives, d’enjeux éthiques, commerciaux et financiers où trop souvent le profit se sert de la bonne foi et des bonnes intentions. On prend les femmes par les sentiments pour qu’elles soutiennent des campagnes, participent au dépistage, s’activent pour leur santé et… la santé de quelques entreprises. Les femmes restent une cible privilégiée dont on veut encore et toujours maîtriser le corps et l’esprit.

Nous, femmes des mouvements pour la santé des femmes, refusons que se poursuivent la marchandisation et l’exploitation économique du cancer du sein ; nous refusons d’adhérer à toute campagne qui infantilise les femmes, qui véhicule sexisme ou qui mal-informe le public ; nous refusons que notre corps, notre parole et notre vécu de la maladie soient confisqués au profit d’intérêts privés. Nous, femmes des mouvements pour la santé des femmes, voulons des informations complètes sur le dépistage, le diagnostic, les traitements du cancer du sein ; nous voulons que chacune puisse choisir en toute sérénité de se faire dépister ou non du cancer du sein ; nous voulons être des partenaires à parts égales de la communauté scientifique et médicale ; nous voulons que soient encouragées les recherches sur les causes du cancer du sein, en particulier celles en lien avec la pollution et la dégradation de l’environnement ; nous voulons une transparence totale sur toutes les actions menées au nom d’Octobre rose et sur l’utilisation des fonds récoltés. Informer complétement et redonner la parole aux femmes, à toutes les femmes, nous semble une nécessité pour répondre à leurs besoins et à leurs choix en matière de santé.

Pour s'informer : https://seindifference.wordpress.com/tag/dominique-gros/ https://cancer-rose.fr/ https://www.thierrysouccar.com/sante/livre/depistage-du-cancer-du-sein-la-grande-illusion5285

Femmes et Santé Adresse : Rue de Suisse 8 à 1060 Saint-Gilles Site web : https://www.femmesetsante.be/ Personne de contact : Manoë Jacquet Téléphone : 0493/81.85.23

Abonnez-vous aux actualités du planning