Depuis le mardi 17 mars 2020, la France est confinée. Il serait faux de penser que nous sommes toutes et tous égaux-ales face à cette crise sanitaire et aux mesures prises par le gouvernement pour endiguer cette pandémie.

Parce que les mauvaises habitudes sont très souvent tenaces, même en temps de crise, les femmes, les personnes trans’, les gays et lesbiennes, les travailleur.ses du sexe, les personnes étrangèr.e.s, en situation de handicap, précaires, pauvres, sont encore et toujours laissées pour compte par l’État.

A Toulouse comme ailleurs, crise sanitaire ou pas, de nombreuses associations militent et luttent chaque jour pour combler les lacunes d'un État défaillant et pour accompagner ces personnes. Aujourd'hui, et après ce premier mois de confinement, nous décidons de dénoncer les réalités auxquelles nos structures font face et d'informer sur les situations concrètes des personnes les plus durement touchées par la crise.

Dans son allocution datée du 20 mars 2020, Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, faisait peser sur les toulousaines et toulousains la responsabilité de l'évolution de la pandémie sur le territoire de la ville rose. Il est insupportable de s'entendre dire que nous sommes responsables de ce qui est en train de se passer quand les dirigeant-e-s de notre ville, et de la France toute entière, refusent de prendre en charge les personnes les plus précaires, allant pour certain.e.s jusqu'à mentir pour garder la face.

Ici, nous disons nos réalités : celles de nos quotidiens et du quotidien de milliers de personnes laissées de côté.

 

La situation des personnes vivant en squat est compliquée : promiscuité et confinement renforcent les tensions, et les mesures préventives peuvent difficilement être appliquées. Une personne SDF avec une suspicion de Covid et donc en quarantaine, a été mise à l’abri à l’hôtel où d’autres SDF sont accueilliEs, sans aucun suivi médico-social, ni même une aide alimentaire. Les militantEs ont assuré un relais pour lui apporter de quoi se nourrir. Sur Toulouse, les sanisettes permettant aux personnes SDF d'avoir accès aux wc et à l'eau potable sont fermées (excepté trois d'entre elles). La gestion de ces lieux avait été confiée par la mairie à une société qui a arrêté son activité depuis le confinement et fermé toutes les sanisettes qu'elle gérait.

A Act-up Sud Ouest, nous observons que les personnes vivant avec le VIH en milieu rural souffrent d’isolement. Concernant les usagerEs de drogues et le public chemsexeur, on a des craintes sur les conséquences de possibles sevrages forcés (angoisse, état de manque), sur des sur-consommations en lien avec un climat anxiogène, sur l'isolement des personnes et aussi sur de possibles conséquences à la fin du confinement (sur consommation, état dépressif, prises de risques accentuées...). De façon générale, l’impact sur la santé mentale est déjà mesurable et est plus marqué chez les personnes vivant en milieu rural.

A Clar-T, la fermeture des permanences physiques limite la possibilité de sociabilisation entre personnes trans' qui, pour beaucoup, vivent déjà une situation d'isolement et de forte précarité. Nous sommes inquiet-e-s et alertons sur une possible augmentation de tentatives de suicide(s), taux par ailleurs très élevé en "temps normal". Cette situation engendre différents problèmes comme l'annulation ou le report de démarches administratives, de consultations ou d'actes médicaux, chirurgicaux et/ou psychologiques ; le non accès aux matériels de RDR (réductions des risques) ; la coupure de certains revenus engendrant des difficultés pour se nourrir, payer son loyer, etc. Nous pensons en particulier aux personnes trans' travailleurses du sexe et/ou migrantes. La réalité de ce confinement va bien au-delà d'une dite "protection sanitaire" de la population et accroît les difficultés des vécus des personnes trans'. Enfin, la création d'un contexte sécuritaire et répressif, notamment par la possibilité accrue de contrôles policiers, impacte négativement et directement les personnes trans'.

A Faire Face, nous avons annulé nos ateliers et stages d’autodéfense féministe depuis le 14 mars, et nous craignons que ces annulations doivent se prolonger jusqu'à la rentrée de septembre. Ces espaces collectifs de transmission et de partage d’outils et de stratégies d’autodéfense sont donc suspendus Nous nous inquiétons pour la sécurité des femmes, des adolescentes et des personnes minorisées confinées, dans un contexte de normalisation des privations de libertés et d’augmentation des violences structurelles.

A Grisélidis, les personnes nous appellent surtout car elles n'ont plus aucune ressource, ne pouvant plus travailler dans la rue et ne bénéficiant d'aucun droit. 60 personnes sont venues lors des premières permanences d'urgence, nous mettons tout en œuvre pour pouvoir les aider, alors qu'une partie de l'équipe est malade ou fragile. A ce jour, nous ne disposons pas de matériel de protection pour garantir des conditions de travail sécurisé aux salariées, et nous ne disposons pas de suffisamment de ressources pour maintenir ces permanences d'urgence plus de deux ou trois semaines.

Au Jeko, les principales difficultés sont financières, notamment pour les personnes sans ADA (Allocation Demandeur dAsile) qui ne peuvent plus travailler et n'ont plus aucun revenu. Elles ne peuvent pas non plus bénéficier, ou très difficilement, des aides humanitaires compte tenu de la situation de confinement et de la fermeture de nombreuses structures, associatives ou étatiques. Dans les squats, des distributions sont organisées par plusieurs associations et collectifs, mais les besoins sont si importants que tout le monde ne peut pas y accéder. Il y a aussi des appréhensions sur les risques de cette pandémie, du fait d'un manque d'information et de la complexité à adopter certaines mesures prescrites. Au squat du Mirail de nombreuses personnes partagent les mêmes douches, il est presque impossible de mettre en place les fameux "gestes barrières". De plus celles et ceux qui ne parlent pas français ou ne savent pas lire sont largement exclu.e.s des campagnes de préventions officielles. Les nouvelles personnes migrantes LGBTI qui arrivent restent isolées, ce qui est très dur psychologiquement. Elles ne peuvent pas déposer leur demande d'asile, la Préfecture et Forum réfugié étant fermés. C'est également le cas de l'OFII qui a suspendu ses rendez-vous, ce qui rend impossible l'accès à l'ADA ou la demande de CADA pour les nouvelles personnes en demande d'asile.

Au Planning Familial 31, nous avons reçu de nombreux appels de femmes en difficultés d'accès à la contraception ou à la contraception par exemple suite à la fermeture du CDPEF (Centre départemental de planification et d'éducation familiale). Comment se fait-il que nous, associations, arrivons à maintenir des permanences téléphoniques en 2 jours et que le CDPEF (service dépendant de la collectivité) ait mis plus de 10 jours à remettre en place des consultations ? De même la fermeture des frontières engendre des situations où les personnes sont "bloquées" dans des pays où l'IVG n'est pas légal et risquent, avec le confinement, de dépasser les délais français.

Au collectif Zef, cette période de confinement a pour conséquences principales le report ou l’annulation des actions prévues. Nous sommes très inquiètes pour les personnes et principalement pour les femmes en situation de handicap mental et/ou psychique qui d'ordinaire déjà sont beaucoup plus exposées aux violences de genre que les femmes valides. Le huis clos actuel va inévitablement s'accompagner d'une augmentation de ces violences. Nous redoutons une invisibilisation encore plus grande des personnes en situation de handicap mental et/ou psychique ainsi que des situations de violences vécues et donc un manque d'accompagnement pour faire face à celles-ci.

Nous, associations toulousaines, exigeons de la part de la municipalité de Toulouse la prise en charge effective des personnes les plus en difficulté face à cette crise, et pas seulement les personnes atteintes du Covid-19.

Liste des associations signataires : Act-Up Sud Ouest, Clar-T, Faire Face, Grisélidis, Jeko, Planning Familial 31, Le collectif ZEF

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