L’année 1990 marque le début d’une nouvelle stratégie des opposant-e-s à l’IVG en France : les opérations commandos dans les centres d’IVG. Inspiré-e-s par les méthodes américaines de l’« Operation Rescue », ces “activistes” attaquent des centres IVG dans plusieurs villes de France et de la région : Mâcon, Chambéry, Lyon… A chaque fois, le modus operandi est le même : l’invasion puis l’occupation de blocs opératoires hospitaliers où sont pratiquées les IVG, avec force prières, crucifix et cadenas. A Lyon, plusieurs s’enchaînent les uns aux autres dans le bloc opératoire avec des antivols de motos notamment, dont ils ont pété le cadenas ou la clé, obligeant les forces de l’ordre à appeler les pompiers pour les détacher et les évacuer du bloc opératoire. Ironique que pour soit disant “défendre la vie”, les anti-choix forcent la mobilisation de pompiers et de soignant-e-s qu’on imagine plus utiles ailleurs…
Aux procès qui s’ouvrent en 1995 comme en appel en 1996, le Planning Familial 69 se porte partie civile. A la barre, les accusé-e-s se vivent comme des résistants et, à Lyon, n’écopent que de peines de prison avec sursis, l’avocat général de l’époque ne voulant pas en faire des martyrs. Déjà, on retrouve des stratégies qui ressembleront à celles utilisées par les antichoix et homophobes des années 2010 : vouloir placer la religiosité au cœur des choix politiques, et contre les droits des femmes, utiliser les médias avec des actions faussement spectaculaires mais véritablement douloureuses pour les femmes en attente d’IVG, proférer des mensonges éhontés sur les chiffres des IVG… De fait, les condamnations juridiques et surtout politiques auront, au moins sur ce type d’actions, raison de leurs ardeurs… En effet, localement la mobilisation s’organise : réseau (téléphonique !) d’alerte pour se rendre dans les hôpitaux dès l’attaque, création d’un large collectif inter-organisations, politiques, syndicales, associatives, qui se mobilise devant les tribunaux le jour de leur procès, pour réaffirmer avec force et plusieurs rassemblements et réunions publiques la défense du droit à l’IVG. Au niveau national, la CADAC (coordination d’associations pour le droit à l’avortement et à la contraception)  est créée en 1990 pour s’organiser contre cette offensive anti-IVG. En 1993, une loi vient condamner l’entrave à l’IVG : les opposant-e-s changeront alors peu à peu de stratégie, avec notamment des prières de rue à l’extérieur des hôpitaux.

Pour un aperçu d’une action commando en 1995 avec contre-manifestation à l’hôpital de la Croix-Rousse : un extrait du journal de FR3 le 12 juin 1995 trouvé sur le site de l’INA.

Document issus des archives du Planning Familial 69 : Tract d'appel à mobilisation à Lyon, 1995.


Pour aller plus loin :
Chevarin Alain, Lyon et ses extrêmes-droites, Editions de la lanterne, 2020
Venner Fiammetta, L’opposition à l’avortement. Du lobby au commando, Berg International Editeurs, 1995
(un travail bien documenté sur ces réseaux, mais nous précisons que nous ne partageons pas les positions que l'autrice a pu prendre ces dernières années sur les questions de laïcité en France notamment)

 

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