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Tel est le résultat principal de l’étude ANRS PARCOURS, coordonnée par Annabel Desgrées du Loû (IRD) et financée par l’ANRS (France Recherche Nord & sud Sida-hiv Hépatites). 

ANRS PARCOURS : contexte et méthodologie

ANRS PARCOURS est une enquête réalisée entre février 2012 et mai 2013 auprès de migrants venant d’Afrique subsaharienne, afin de déterminer leurs besoins de santé et d’améliorer les stratégies de prévention, de dépistage et de prise en charge de l’infection par le VIH et l’hépatite B. Conduite en Ile-de-France, région accueillant le plus grand nombre de migrants d’Afrique subsaharienne, au sein de 74 services de santé, dont 24 services hospitaliers de suivi du VIH, ANRS PARCOURS a été réalisée en collaboration entre des équipes de l’IRD, de l’Inserm et de l’INPES, ainsi qu’avec le soutien d’associations de migrants et de malades[1].

898 patients suivis pour un VIH, dont 550 femmes, ont participé à cette enquête. En moyenne, ils étaient âgés de 43 ans et séjournaient en France depuis 12 ans.

La proportion de migrants ayant été infectés par le VIH après leur arrivée en France a été estimée à partir de données biographiques (histoire migratoire, activité sexuelle et tests de dépistage réalisés en France) et cliniques (nombre de cellules CD4 au moment du diagnostic de l’infection par le VIH). Ainsi, l’infection VIH a été considérée postérieure à l’arrivée en France dans plusieurs cas : lorsque la personne était diagnostiquée VIH plus de 11 ans après son arrivée en France ; lorsqu’elle avait eu au moins un dépistage négatif en France ; lorsqu’elle avait commencé sa vie sexuelle en France. Dans les autres cas, les chercheurs ont modélisé le déclin des cellules CD4, afin d’estimer le nombre d’années écoulées entre l’infection par le VIH et la première mesure des CD4 et dater l’infection.

Entre 35 % et 49 % des migrants infectés après leur arrivée en France

Sur les 898 personnes suivies dans le cadre de l’étude ANRS PARCOURS, 133 avaient été diagnostiquées infectées par le VIH avant l’arrivée en France. Sur la base des éléments biographiques, 228 ont pu être classées comme infectées après l’arrivée en France.
Pour les 537 autres patients, la modélisation à partir du déclin des CD4 conduit à estimer que 69 à 197, selon l’application plus ou moins stricte des critères de classement des individus, ont été infectés en France. C’est donc au total, 35 % à 49 % des migrants d’origine subsaharienne qui ont été infectés par le VIH après leur arrivée en France.

Ces résultats confortent ceux de plusieurs autres études :

  • l’étude de Rice et al[2]., réalisée au Royaume-Uni en se basant uniquement sur l’estimation du déclin des cellules CD4 à partir des données de surveillance du VIH au Royaume Uni et publiés en 2012 dans la revue AIDS. Ils ont montré que près de 31 % des migrants subsahariens diagnostiqués séropositifs entre 2004 et 2010 avaient été infectés après l’arrivée au Royaume Uni ;
  • l’enquête aMASE (Amélioration de l’accès des émigrés aux services de la santé en Europe), réalisée en 2013 selon laquelle en Europe, 31 % des migrants originaires d’Afrique subsaharienne infectés par le VIH l’ont été après leur arrivée dans leur nouveau pays de résidence.

Renforcer la prévention

« Ces résultats remettent en cause l’idée selon laquelle la prise en charge des migrants réside surtout dans le dépistage et la mise sous traitement. Il est bien sûr important de dépister et de traiter mais il faut aussi prévenir l’infection », souligne Annabel Desgrées du Loû. « Une étude complémentaire, réalisée au sein d’ANRS PARCOURS et dont les résultats sont publiés ce mois-ci dans la revue AIDS, montre que durant les premières années qui suivent leur arrivée en France, les migrants font face à des grandes difficultés pour obtenir des papiers ou un logement. Durant cette période très difficile, les migrants, et en particulier les femmes, ont plus de rapports sexuels à risque, souvent dans le but d’avoir un lieu où dormir, ou la protection de quelqu’un qui, lui, a des papiers », précise la chercheuse.

« Les migrants arrivant en France font souvent face à une très grande précarité. Cette recherche attire notre attention sur la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement et de prévention du VIH spécifiques pour cette population », ajoute le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS.

  1. Le groupe ANRS PARCOURS est composé de : A.Desgrées du Loû (IRD), F.Lert, R.Dray Spira, N.Bajos (INSERM), N.Lydié (INPES) (resp. scientifiques), J.Pannetier, A.Ravalihazy, A.Gosselin, E.Rodary, D.Pourette (CEPED), J.Situ, (Réseau des associations africaines et caribéennes de lutte contre le sida (RAAC-SIDA), P.Revault (Comité médical pour les exilés (Comede)), P.Sogni, J.Gelly (APHP), Y.Le Strat (InVS), N.Razafindratsima (INED).
  2. Rice BD, Elford J, Yin Z, Delpech VC. A new method to assign country of HIV infection among heterosexuals born abroad and diagnosed with HIV: AIDS. sept 2012;26(15):1961-6.

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