Le délit d'entrave à l'IVG c'est quoi ?

Si une personne et/ou une organisation empêche ou tente d'empêcher d'accéder à l'IVG lors d'une consultation, par téléphone, sur les réseaux sociaux ou par tout autre moyen, c'est un délit d'entrave à l'IVG. Le droit français le condamne avec 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Suite à une collecte auprès de personnes concernées et des membres du Planning Familial 67, des militant.e.s ont illustré différentes situations de délit d'entrave à l'IVG. Ces illustrations et verbatim ont donné lieu à la campagne "Stop au délit d'entrave" sur Instagram et Facebook @Le_Planning_familial_67

NOS REVENDICATIONS

Lettre à :

Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé

Elisabeth Moreno, Ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances

Strasbourg, le 17 janvier 2021

Le 17 janvier 1975, l’Assemblée Nationale promulgue la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) portée par la ministre de la Santé Simone Veil. En quarante-six ans, le droit à l’avortement n’a cessé d’évoluer : augmentation des délais à 14 semaines d’aménorrhée, remboursement à 100% par la Sécurité Sociale, anonymat pour les mineur·e·s.

Si le droit à l’avortement est aujourd’hui reconnu comme fondamental, son exercice fait encore l’objet d’entraves. En 2013, un rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes recommande au gouvernement d’agir pour contrer l’omniprésence des organisations anti-choix sur Internet. Le site ivg.gouv.fr et le numéro vert « Sexualités, Contraception, IVG » 0800 08 11 11 sont ainsi créés. Le législateur se saisit à son tour de la question, en élargissant la définition du délit d’entrave à l’IVG à ses formes numériques dans une loi du 20 mars 2017.

Toutefois, les organisations anti-choix s’adaptent à mesure que la législation avance. L’apparence neutre, voire institutionnelle des sites anti-choix comme ivg.net ou avortement.net incite les personnes à téléphoner à leur numéro vert. Depuis la modification de la loi, ces organismes ont cessé de diffuser de fausses informations sur les conséquences médicales de l’avortement, mais insistent particulièrement sur ses potentielles conséquences psychologiques. Une femme d’une trentaine d’années rapporte par exemple :

« L’écoutante m’a dit qu’à mon âge et dans ma situation j’étais tout de même en capacité d’accueillir cet enfant. Que j’allais lui donner la mort par égoïsme. Je pleurais et elle continuait ».

En d’autres termes, iels continuent de dissuader et de tenter d’empêcher les personnes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. La culpabilisation ayant pris le pas sur la désinformation, seule leur stratégie a changé. La législation sur le délit d’entrave à l’IVG n’a-t-elle pas justement pour but de condamner de genre de comportements ?

Ces modes de dissuasion sont permis par une zone grise créée par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n°2017-747 DC du 16 mars 2017, ce dernier limite la portée de la loi à un cadre strict, qui permet aux organisations anti-choix d’agir impunément, en arguant exercer leur droit à la liberté d’expression. Selon le cadre posé par le Conseil constitutionnel, seul un message à destination d’un public déterminé, qui relève d’une information et non d’une opinion peut être considéré comme une entrave à l’IVG. Il est ajouté que l’information doit porter sur les conditions dans lesquelles sont pratiquées l’avortement, ou sur ses conséquences, et qu’elle doit être donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière.

Jusqu’alors, les anti-choix étaient « à la frontière de ce qui est ou n’est pas légal », pour reprendre les propos de Laurence Rossignol, recueillis par Brut en décembre dernier. Mais le Planning Familial du Bas-Rhin constate que les anti-choix adoptent une démarche proactive, qui puisque ciblée et intrusive, semblerait pouvoir constituer un délit d’entrave à l’IVG.

LES ANTI-CHOIX FONT LA PUBLICITÉ DE LEUR CONTENU AUPRÈS DES JEUNES FEMMES

Des membres de l’association constatent depuis plusieurs mois que des publications de la page Facebook « IVG : vous hésitez ? Venez en parler ! » s’affichent régulièrement sur leur fil d’actualité, sans qu’elles soient allées chercher ce contenu. Autrement dit, elles se sont rendu compte que les administrateurs·rices de ladite page rémunèrent Facebook afin que leur contenu soit mis en avant. Elles font part d’un démarchage fréquent et intrusif, allant jusqu’à deux nouvelles publications toutes les semaines. Le détail de ces publicités, accessible au public, montre que les administrateurs·rices de la page ciblent un public féminin spécifique.

LEUR PAGE FACEBOOK PRÉTEND INFORMER SUR L’IVG

Ce démarchage auprès d’un public déterminé pose question, puisque la page « IVG : vous hésitez ? Venez en parler ! » se présente comme un « organisme d’information ». Il y est écrit qu’elle propose des « informations pertinentes et fiables » qui permettraient aux femmes de « mieux se prendre en charge lors d’un projet d’IVG ». Cette présentation de la page Facebook nous paraît mensongère au vu du caractère partial des publications qui s’y trouvent.

DES TÉMOIGNAGES RÉPÉTÉS AUX ALLURES D’INFORMATIONS

Les publications de la page « IVG : vous hésitez ? Venez en parler ! » sont présentées comme étant des témoignages, ce qui relève a priori plutôt de l’opinion que de l’information. Pourtant, échographies, photos de famille, photos de femmes à l’allure dévastée, champ lexical culpabilisateur et témoignages univoques à l’appui, tout est mis en place pour stigmatiser le droit à l’avortement. L’absence de neutralité de ces contenus prend ainsi des allures d'information.

Nous demandons que la stratégie proactive et ciblée des anti-choix sur les réseaux sociaux soit légalement reconnue comme une forme de délit d’entrave à l’IVG, car c’est l’effet qu’elle a en pratique.

Nous ne cesserons de rappeler que l’avortement est un droit humain fondamental. Ainsi, nous continuerons de lutter contre le délit d’entrave à l’IVG sous toutes ses formes.

Mon corps, mon choix.

Le Planning Familial 67

 

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